Nous sommes sur la même longueur d’ondes. Continuer dans cet état, sans reprendre ne serait-ce qu’un peu de forces, serait une très mauvaise idée, et ne ferait que nous ralentir toutes les deux. Cette boîte doit être trouvée, certes, mais nous sommes plus utiles vivantes que mortes.

Je me perds à regarder les structures, les statues. Elles ont toutes quelque chose d’étrange – représentent, chacune, des êtres plus grands que les hommes. Des divinités. Un douloureux frisson traverse mon échine. J’en avais bien assez, de ces êtres puissants et de leur contrôle sur nous.

Mes muscles en entier continuent de crier. Si Claudia a au moins stoppé mes blessures de saigner, la magie ne peut cependant pas tout arrêter.

L’impératrice se retourne vers moi, me dit qu’elle se réjouit que je sois vivante – et plus ou moins en bon état. J’étouffe un rire ironique – sans elle, je ne serais probablement plus là.

« Ouais… Moi aussi. »

Et je laisse ma tête s’effondrer contre son épaule.

Notre proximité ne me dérange guère – et je n’arrive pas trop à savoir pourquoi. Est-ce le fait d’avoir vécu si près de tant de gens durant des semaines entières? Est-ce simplement la douleur, la fatigue?

Qu’est-ce qui m’a poussée à poser ainsi ma tête sur son épaule?

La pensée s’évade alors que je la sens bouger contre moi, son bras m’entourant doucement, sa tête prenant place contre la mienne. Je l’écoute, et, à ses paroles, je ne peux m’empêcher d’échapper un court rire.

« Heh. Tu avais l’air de bien te débrouiller. »

Douce ironie. Je ne sais pas ce que j’aurais fait sans elle – Claudia avait semblé connaitre ces ennemis afin d’en exploiter leurs faiblesses, chose que je n’avais su faire, moi qui, habituellement, arrive à analyser l’ennemi assez facilement. Je souris, tout de même, les yeux clos, notre discussion me faisant oublier momentanément ma douleur.

« Mais j’apprécie. »

Elle resserre son étreinte sur mon épaule et je ne sais si je n’arrive tout simplement pas à prendre conscience de la situation ou si je suis tout simplement à l’aise. À bien y penser, c’est peut-être un peu des deux ; Claudia est douce, compréhensive – et habile. J’arrive sans aucun mal à lui accorder ma confiance, à me sentir bien en sa présence.

C’est peut-être, au fond, ce qui me tracasse réellement.

Mais j’aurais du mal à m’envisager ailleurs qu’ici, en ce moment. Là, contre elle, restons ensemble jusqu’au bout, oui, pourquoi pas?

« Oui; restons ensemble. »

Avec elle, je ne serai pas seule. Ensemble, nous serons en mesure de…

Court sursaut de mon corps, sifflement étouffé, alors que mon corps plaint sa douleur. Je ne sais trop ce qui se passe – les raisons derrière la souffrance lugubre laissées par ces monstres et pourquoi la douleur me parait si différente des balles, des épées et des arcanes endurées par ma peau depuis le début de mon aventure.

Je me résigne à sortir de cette accolade protectrice, le corps encore tremblotant alors que je fouille les poches de mon uniforme. J’en sors deux petites fioles d’un liquide vert pomme, brillant contre les lumières du sanctuaire, en offrant une à ma partenaire.

« Tiens; ça devrait t’aider à oublier la douleur. »

Je détache le bouchon de la mienne et l’avale d’un trait, laissant le liquide faire l’effet escompté : la douleur s’avive alors que mon système s’active, guérissant les lacérations et les morsures.

Voilà; nous sommes prêtes à continuer. Claudia glisse un commentaire sur sa robe, et je ne peux m’empêcher de lâcher un court rire. Au moins, ce n’est que sa robe ; et pas autre chose. Je me relève, remettant la fiole vide dans une de mes poches, et tendant la main à Claudia.

Mais un nouveau bruit vient déranger le silence paisible du sanctuaire, un souffle glacial d’un vent inconnu. Blazefire Saber reprend sa place dans ma main, et, déjà, je suis prête.

Un homme marche hors d’un portail aussi noir que ces créatures que nous venions d’affronter, frappant rythmiquement dans ses mains. Je serre les dents. Nous neutraliser? Qu’il vienne, et on verra bien!

Alors il fonce sur nous, assénant un coup à Claudia avant que je ne puisse faire un mouvement, puis fonçant sur moi en furie. Je bloque son coup avec Blazefire Saber, sentant la pression de sa claymore contre mon arme, me faisant reculer contre le mur dans un grognement de douleur.

« Il faudra faire mieux que ça! »

Je grogne ces paroles alors que je lui assène un coup de genou dans le ventre, me servant du mur comme appui pour foncer droit sur lui, visant son épaule.

L’homme a un visage, un visage totalement effrayant. Cette cicatrice sur son crâne ne me dit rien de bon, pas plus que ces choses qui le suivent et qui, furtives, nous matraquent toutes les deux de coups.

« Non…! »

Je tente en vain d’arrêter l’homme de frapper Claudia, le coup de mon sabre percutant le mur plutôt que celui-ci. Cette fausse manœuvre me frustre énormément, et j’utilise un mélange de vitesse et de dextérité pour me remettre face à notre ennemi, tentant, d’un seul coup, de protéger Claudia d’une nouvelle attaque et de le faire reculer.

Un regard inquiet vers la horde de choses étranges et absolument trop fluide me dit que nous ne sommes pas bien tombées du tout.

Les créatures liquides s’avancent à nouveau vers moi et je tente d’éviter leurs coups. Si j’arrive à parer certaines de leurs attaques, je me sens tout de même fouettée par leurs longs membres ; l’attaque n’est pas totalement parée.

Et l’homme revient vers moi en furie.

J’évite sans mal son premier coup de Claymore, son deuxième heurtant avec puissance mon sabre et me faisant trembler. Je ne baisse pas les bras pour autant; je lui assène un coup de pied avant de faire tournoyer Blazefire Saber, visant sa côte.

« Si tu savais combien de fois j’ai eu droit à ce discours! »

Je n’ai pas peur. Il est seul; et j’avais une armée contre moi.

Je compte lui montrer de quoi je suis capable; lui qui s’acharne sur moi, le regard vif et rageur.

Son expression toujours aussi neutre a de quoi déstabiliser, mais je n’en fais rien. Il s’acharne sur Claudia, comme s’il cherchait à la vexer, à faire en sorte qu’elle se fâche.

« Ne te laisse pas influencer, Claudia! »

Je transforme ma Gunblade, tirant plusieurs balles sur les entités grises, qui évadent sans mal celles-ci; je profite cependant de la distance entre moi et notre ennemi pour lui tirer dessus, aussi.

Claudia achève, dans un jet de lumière, les créatures restantes; fort heureusement, car je me sentais faiblir.

« Tch, quel lâche. »

Le temple redevenu silencieux a perdu toute sa sérénité, et je souffle difficilement. Les combats ont été durs sur mon système, et je me sens faiblir. Mais je crois être en mesure, malgré les blessures infligées, de continuer à avancer.

Claudia me demande de nouveau si je vais bien, et je soupire en guise de première réponse. Ça pourrait aller mieux; j’ai déjà vécu pire, mais ça aurait aussi très bien pu être mieux.

« Oui. Et toi? »

Je relève la tête vers elle. Elle est visiblement blessée, elle aussi : les derniers combats ont laissé leur marque.