Il régnait dans ce monde une ambiance mortifère. Comme si toute vie s’était éteinte. Sora avait senti un frisson lui parcourir l’échine dès qu’il avait posé le pied à terre. Rarement, lors de ses précédentes aventures, avait-il eu l’occasion de parcourir un monde si froid. C’était une forêt sombre, distante, glaciale, comme pouvait l’être une mère incapable d’aimer. D’un signe de la main, il indiqua à ses deux acolytes de toujours de rester en arrière alors qu’il allait s’aventurer dans les bois de Dwarf Woodlands.

Il n’y avait pas un bruit autre que le murmure chaud du vent. Quelques feuilles mortes virevoltaient ici et là dans les airs, alors que non loin d’ici ruisselait un petit fleuve. Mais quelque chose n’allait pas. Comme s’il y avait quelque chose de fondamentalement négatif qui empoisonnait l’air de ce monde.

Au loin, un peu en hauteur, Sora pu apercevoir une sorte de château. C’était probablement là-bas qu’était la source du problème. Fronçant les sourcils, il fit apparaître Chaîne Royale dans ses mains. Il allait rendre à ce monde sa superbe d’avant. Traversant les bois, contrairement à ce qu’il aurait crû, il ne rencontra aucun sans-coeur. Rien qui ne puisse lui barrer la route. Ce monde-ci était-il endormi, lui aussi ? C’était très étrange.

Il arriva bientôt en contrebas du château de pierres. Toujours aucun signe de vie en vue. C’était de plus en plus inquiétant. Décidé à ramener les choses dans le droit chemin, Sora s’introduisit dans la bâtisse. Il erra quelques interminables minutes dans les couloirs du château, perdant plusieurs fois son chemin. Après ce long moment d’errance, il se retrouva dans une salle sombre, avec un chaudron en son centre. Un grand miroir était accroché au mur.

C’était ici qu’il aurait sa réponse. Il s’approcha du miroir, posant sa main sur la surface argentée.

Quelque chose, ou quelqu’un, l’observait.

Une grande expiration. Un sourire vif, vil, une pensée doucereuse. Elle claque sa langue et laisse le venin s’emparer de ses veines.

« Comme on se retrouve. »

C’est sa voix qui se percute contre la surface, son visage qu’elle voit prisonnier de la glace. C’est cette même image qui se renvoie contre elle, cette image brisée et délabrée, de ses vêtements troués et sales, de ses cheveux bleus remplis de poussière blanche et de neige, ses bretelles rose brisées. Elle retrouve ses lèvres gercées et sanglantes, ses yeux tombants, les poches violacées coulant de ses yeux où les larmes s’étaient si souvent retrouvées.

Elle revoit ses yeux de tanzanite, la petite teinte mauve, cette profonde tristesse, cet espoir volatilisé. Elle ressent de nouveau la panique et le désespoir dans l’étincelle de ses prunelles. Voilà qui elle était. Voilà qui elle était depuis longtemps, depuis trop longtemps.

Elle avait fait sa paix. Ces Ténèbres étaient là où elle demeurerait, là où elle appartenait désormais. Elle, Maître de la Keyblade oubliée, elle qui avait si longtemps défendu la Lumière, n’était plus qu’une ombre d’elle-même.

Pauvre, pauvre Aqua, que personne ne viendrait chercher, que personne ne viendrait sauver. Pourquoi quiconque le ferait? Elle était là, elle dépérissait dans les plus sombres ténèbres de ce monde. Depuis combien de temps avait-elle eu quiconque autre qu’elle-même à concerter, quiconque autre que sa propre langue venimeuse lui renvoyant des pensées toujours plus sombres les unes que les autres?

Était-ce sur le point de changer? Une présence. Une présence derrière son reflet mensonger. L’image que renvoie le miroir change, soudainement, comme s’il s’ouvrait sur un autre monde. Était-ce ce qui se passait? Était-ce ce qui la sauverait? Voilà qu’un jeune homme se tient devant elle, dans une chambre qu’elle ne connaît que trop bien. Des souvenirs épars s’emparent de son esprit. Elle veut sortir. Elle doit sortir. Sa main touche la glace et la sienne prend place au même endroit. Mais la glace les sépare. Le miroir la sépare de son but. Mais elle sent quelque chose – cette magie qui habite toujours le miroir, de l’autre côté, une magie qui avait permis, il y a si longtemps, de la transporter à l’intérieur.

Elle ne peut le laisser s’enfuir. Elle veut faire souffrir. Si elle ne peut sortir, elle l’amènera avec lui.

C’est dans cette magie qu’elle puise pour refaire naître dans le miroir cette flamme qui l’avait un jour poussée à y entrer, à s’y faire aspirer.

Elle le tire dans son monde et ne lui laisse aucune chance de sortie. Dans l’ombre du Realm of Darkness, elle laisse son corps éloigné de sa vue, jusqu’au moment où, dans une vive lumière, Master Keeper prend place dans sa main.

Son regard doré scintille dans la noirceur alors qu’elle le pose sur lui.

Souffrir. Elle veut le faire souffrir.

Quelque chose se mit à briller dans le miroir. Une sorte de présence magique… Sora plissa les yeux, ébloui par cette lueur blanchâtre. Quelque chose happa sa main et le tira d’un coup vers l’intérieur. Tout à coup, il n’y avait plus rien. Plus rien d’autre que l’obscurité, infinie. Sora tomba au sol, se rattrapant sur les mains. Sa keyblade vola à quelques mètres de lui, dans les ombres. Il peinait à la discerner, tellement les ténèbres étaient épaisses. Il se releva et épousseta ses vêtements, avant de lever les yeux. Deux iris orangés le fixaient, deux yeux luisant, perçant les ombres. Il recula d’un pas, puis deux, se retrouvant dos au miroir.

Il pencha la tête en détaillant le visage de la jeune femme qui lui faisait face. Alors qu’il allait la détailler, une lueur vive l’aveugla. Il ferma les yeux, détourna le regard et cacha son visage de ses bras. Il lui fallut quelques instants pour se remettre de l’aveuglement. Il releva la tête. Sora ne discernait plus rien, si ce n’étaient ces grands yeux jaunes orangés qui le fixaient à travers la nuit.

D’un mouvement de la main, il fit apparaître Chaîne Royale à son poignet et se mit en position de défense. Était-ce un sans-coeur ? Un simili ? Pourtant, ça n’en avait pas l’air… Par principe, il allait tenter la voie diplomatique.

« Hé ! Qui êtes-vous ? Où sommes-nous? »

Pas terrible comme introduction, mais en face d’une personne visiblement motivée à lui faire du mal, Sora n’avait pas vraiment le temps de réfléchir à une meilleure entrée en matière. Il fronça les sourcils. Visiblement, la personne qui lui faisait face n’avait pas envie de répondre amicalement. Mais par principe, l’adolescent restait sur la défensive, refusant de porter le premier coup.

Il croyait aux miracles.

Pauvre, naïve créature. Dès qu’il entre, il semble perdu, inquiet. Un sourire vorace s’impose sur les lèvres d’Aqua. Oh, ne sait-elle pas à quel point cet air lui appartenait, il n’y a que quelque temps ?

Tant de temps ; si peu de temps. Sa mémoire lui échappe.

Ici, il est seul, tout comme elle est seule. Ils sont seuls et se font face, deux âmes enfermées dans le même endroit, contre l’adversité d’un monde entier.

Il se relève, ce pauvre garçon. Sa Keyblade git toujours au sol ; et bien qu’elle reconnaisse bien — trop bien — la silhouette de celle-ci, elle ne bronche qu’à peine, ses yeux fixés sur cette petite âme qui se relève et s’époussète avec si peu de méfiance. Candide.

Innocent.

Sa Keyblade réapparait dans sa main dans une volée de lumière. Il la tient adroitement, mais pas comme quelqu’un qui a des années d’expérience à la manier. Un enfant avec un jouet.

Il l’interpelle. Lui demande son nom ; où ils sont. Un rire amer fuit sa gorge.


« Ne peux-tu pas le sentir ? »

Un pas, deux pas. Elle s’approche tel un prédateur vers sa proie. Ses mouvements sont calculés, rythmés.


« La peine, la solitude. »

Petite expiration vive. Elle inspire, prend l’air ténébreux en ses poumons corrompus. Deux mots se prononcent, amers, tranchants.


« Le désespoir. »

Les ombres virevoltent autour d’elle et ses yeux s’illuminent de nouveau dans l’obscurité.


« Ne sens-tu pas les Ténèbres, tout autour de nous ? »

L’influence du Realm of Darkness l’habite, la puissance de tout un monde infecté par la plus sombre noirceur.


« Qui je suis n’a aucune importance. Ce qui importe, ici… »

Elle disparait dans une ombre, saute derrière lui.


« Est la souffrance ! »

Master Keeper s’élance dans le but d’asséner un coup à l’épaule de son interlocuteur.

Que la danse commence.

Un rire mauvais. L’inconnue s’approcha d’un pas, puis d’un second, d’un troisième ensuite. Ses yeux se mirent à luire dans l’obscurité ambiante. Un sourire mauvais parcourait son visage.

« Ne peux-tu pas le sentir ? La peine, la solitude. »

Elle s’approchait de plus en plus du pauvre Sora qui brandissait du mieux qu’il le pouvait sa Chaîne Royale. L’inconnue inspira profondément l’air nauséabond, avant d’expirer de tout son souffle. Une goutte de sueur perla sur le front du jeune homme, alors qu’il tremblait légèrement. Elle prend un ton sec, cassant. Son regard est menaçant, perçant. Sora plia les genoux pour se mettre un peu mieux en garde.

Quelque chose de mauvais hantait les airs. Sora pouvait le sentir.

« Le désespoir. »

Ces mots étaient presque douloureux à entendre. Ses yeux gagnèrent à nouveau en éclat, prenant une teinte jaune doré peu rassurante. Son sourire disparut en même temps. Quelque chose s’était mis à bouger, tout autour d’eux. Des ombres. Des dizaines d’ombres, qui s’agitaient comme un banc de poisson frétillant, nageant dans les ténèbres. L’élu de la Keyblade se sentait étouffer de plus en plus dans ces ombres infinies. Il sentait peu à peu ses forces le quitter. Comme si l’endroit lui vampirisait toute joie, toute motivation qu’il pouvait avoir.

« Ne sens-tu pas les Ténèbres, tout autour de nous ? »

Sora les sentait bien. Trop bien, même. Il fatiguait de plus en plus alors que les ombres semblaient se rapprocher du duo de porteurs. Sora recula de quelques pas en ne quittant pas son adversaire agressive des yeux.

« Qui je suis n’a aucune importance. Ce qui importe, ici… »

Une bouffée de ténèbres avala la manieuse de keyblade, qui disparut. Sora se mit sur ses gardes. Mais il n’y avait plus personne devant lui…

« C’est la souffrance ! »

Un coup porté à l’épaule le fit tomber au sol. Il ne l’avait pas vu venir. Rappelant sa keyblade, il fit une roulade vers l’avant et se dépêcha de se redresser sur ses deux jambes. Virevoltant sur un pied, il fit face à la femme aux yeux d’or et aux cheveux bleus et pointa sa keyblade vers elle.

« Lumière ! »

Un rayon de lumière blanche s’échappa de la pointe de sa keyblade pour foncer vers l’inconnue, mais rata sa cible. Cependant, Sora pu voir un peu mieux de qui il s’agissait.

« Vous êtes… Êtes-vous Maître Aqua ? »

Il savait que Riku et sa Majesté avaient pour mission de l’extraire du domaine des ténèbres. Cela devait faire plus de dix ans qu’elle y était enfermée. Et elle était là, juste en face de lui.

Baissant sa garde, il tenta de ramener la maîtresse à la raison.

« Aqua ! Je sais qui vous êtes ! Vous ne me reconnaissez pas ? C’est moi, Sora ! Vous m’avez demandé de protéger Riku quand j’étais plus petit ! »

En signe de paix, il fit disparaître sa keyblade alors qu’il parlait.

Il ne s’y attendait pas.

Elle le voit bien ; il git au sol si rapidement.

Ce n’est qu’un enfant avec une arme qu’il ne sait pas totalement manier. Après son coup, Aqua avait sauté, reprenant de la distance. Elle s’apprêtait à rebondir quand un jet de lumière l’aveugla momentanément, mais ne fit que la frôler. Elle sentit la chaleur du sort contre sa peau.

D’une poussée magique, elle s’avance à une vitesse fulgurante vers le garçon, sur le point de porter un nouveau coup à ce dernier, Master Keeper bien haute par-dessus son épaule, son regard doré affreusement hargneux.

Mais le jeune homme prononce son nom et l’arrête dans son élan. Les yeux grands ouverts, la Maitresse de la Keyblade disparait à nouveau dans un nuage de ténèbres, réapparaissant à quelques mètres.

« Qu’as-tu dit ? »

Son nom, encore une fois. Il la connait. Il tente de raisonner.

Mémoires floues. Deux garçons courant sur une plage alors que le soleil se couche sur la mer. Elle revoit les fruits en forme d’étoile, se revoit sous ce pont, agenouillée pour être à leur hauteur.

« Sora… »

You make sure to stay with him and keep him safe.
That’s your job, Sora, and I’m counting on you to do it, okay?

Oui, elle se souvient bien de lui. Elle se souvient de ce visage innocent, de ces traits doux et de sa ressemblance avec —

Un nouveau rire. Il commence faible, puis plus fort, alors que, les épaules basses, la tête penchée, ses yeux se relèvent sur Sora.

Autour d’elle, les ténèbres s’agitent et dansent.

« Tant de temps à errer seule, ici… à attendre, à souffrir, à n’entendre que moi-même, à en oublier l’essence d’un sourire, de l’espoir. »

Elle s’approche à nouveau, la Keyblade d’Eraqus encore dans sa main, décrivant des cercles alors qu’elle marche autour du jeune Porteur.

« Sora. »

Dire qu’un jour, elle avait osé prononcer son nom avec de l’espoir. Qu’est-ce que cet espoir lui avait donné à part plus de souffrance encore ?

« Ton cœur est si pur. Horriblement pur. Mais qu’adviendrait-il de ton cœur si tu te retrouvais pris ici aussi longtemps ? »

Elle disparait de nouveau, réapparaissant qu’à quelques centimètres de lui, son visage à quelques millimètres du sien.

« Ici, personne ne pourra t’aider. »

Nouveau rire. Elle disparait entre les ombres.

« Qu’as-tu dit ? »

Elle s’était figée dans son geste. Sora recula d’un pas, la fixant du regard. Même s’il ne souhaitait pas la confrontation, il restait sur ses gardes.

« Sora... »

Un sourire s’afficha sur le visage du jeune homme. Ses mots avaient touché leur cible. Peut-être parviendrait-il à éviter une confrontation vaine, comme ça. Cependant, son sourire se ternit lorsque la jeune femme se met à rire. Tout doucement d’abord, puis de plus en plus fort, faisant à nouveau reculer le maître de la keyblade d’un pas. Tout autour d’elle, les ombres se firent plus menaçantes, plus opaques. Allait-elle passer à l’attaque ?

« Tant de temps à errer seule, ici… À attendre, à souffrir, à n’entendre que moi-même, à en oublier l’essence d’un sourire, de l’espoir. »

Aqua fit tournoyer sa keyblade entre ses mains, s’approchant dangereusement de Sora. Celui-ci fronça les sourcils, mais résista à l’envie d’invoquer à nouveau son arme, en signe de paix. Probablement quelque chose de vain, mais c’était important pour lui au vu de la situation. Elle prononça son nom d’un air grave, l’interpellant solennellement.

« Ton cœur est si pur. Horriblement pur. Mais qu’adviendrait-il de ton cœur si tu te trouvais pris ici aussi longtemps ? »

Dans une fumée sombre, la Maître disparut, avant de réapparaître juste en face de l’adolescent.

« Ici, personne ne pourra t’aider. », lâcha-t-elle dans un sourire, qui se changea bientôt en un rire mauvais, cassant.

Elle disparut à nouveau dans les ombres. Sora leva le regard vers le ciel, comme si son interlocutrice la surveillait depuis les étoiles. Il serra les poings.

« Ce n’est pas moi qui ai besoin d’aide. » dit-il doucement, murmurant presque. « Je suis là pour vous sauver. », reprit-il plus fort. « Venez avec moi, et sortons d’ici, Aqua. Il n’est pas trop tard. Nous n’avons pas à nous battre ! Je… Je refuse de me battre avec vous. Vous n’êtes pas mon ennemie. »

Une larme se mit à couler sur la joue droite de Sora, sans que celui-ci ne comprenne pourquoi. Comme si quelqu’un, en lui, s’était mis à pleurer à sa place.

Ce n’est pas lui qui a besoin d’aide, dit-il. Il est venu pour elle. Pour la sauver.

Mensonges. C’est elle qui l’a tirée dans ce monde. C’est elle qui l’a amenée ici. Il n’est pas ici pour la sauver. Le tout n’est qu’une coïncidence. Elle ne peut pas sortir.

Et puis, pourquoi sortirait-elle?

Elle n’est qu’un avec les Ténèbres, désormais. Et entre les serres opaques de celles-ci, un nouveau rire fuse, presque désolé, presque maternel.

« Oh, mon pauvre garçon. »

Les notes sont doucereuses et mielleuses alors qu’elle réapparait sur la surface miroitante du sol et qu’elle avance afin d’être à une distance raisonnable. Elle lève une main et contemple sa texture d’ébène, le bout de ses doigts d’un rouge sanglant, avant de poser son regard doré sur le jeune homme.

« Il est déjà trop tard. »

Ne voit-il pas ses traits, sa douleur, sa rage? Elle n’est qu’une ombre de qui elle était, et cette ombre n’est que Ténèbres, que douleur. Telle une majorette, elle esquisse plusieurs figures avec Master Keeper, préparant son corps pour un nouvel assaut.

« Tout ce que je ressens est désespoir et misère; à ton tour de le ressentir! »

Une barrière magique se forme autour de son corps alors qu’elle se propulse vers Sora, le percutant avec toute la force de son sort. Elle ne lui laisse pas le temps de répliquer : alors qu’il est encore dans les airs, elle lui assène un puissant coup de Keyblade dans le ventre, se téléportant de nouveau à quelques pas.

Il n’eût pas le temps de répondre que la jeune femme lui sauta dessus en projetant tout autour d’elle une barrière magique. Il tenta de se protéger avec sa keyblade, mais fut propulsé en arrière par le choc. Sonné, Sora ne se rendit compte que trop tard que l’assaut d’Aqua n’était pas terminé. Il reçut un coup de keyblade en plein dans le ventre, ce qui le propulsa encore plus dans les airs. La femme des ténèbres se téléporta à nouveau alors que le porteur de keyblade s’écrasa lourdement au sol, lâchant un gémissement de douleur alors qu’il tenta de se relever. Prenant une grande inspiration, il bondit sur ses deux jambes, sortant sa keyblade en position défensive. Il ferma un œil, vissant le regard de l’autre sur l’ancienne Maître de la Keyblade.

Très bien. Il allait donc devoir la ramener à la raison.

Pointant sa keyblade en avant, il se jeta à toute vitesse sur sa cible, lâchant un hurlement guerrier. Il asséna un coup à la femme aux cheveux bleus, mais fit chou blanc. Celle-ci devait s’être téléportée à nouveau hors de sa portée.

Faisant tournoyer sa keyblade, il invoqua plusieurs sphères de lumière pour illuminer l’endroit, afin d’y voir plus clair. Elle était là, à quelques mètres. Il pointa son arme sur elle et laissa un rayon de lumière s’échapper du panneton. Puis un second. Puis un troisième.

Il allait réussir à la ramener à la raison. Par n’importe quel moyen.

Lumière qui file vers elle à vive allure. Aqua se prend le jet en plein visage et crie. Ça brûle. Ça brûle tellement.

Elle ne le laissera pas faire. Alors elle fonce à nouveau, tentant de lui asséner un nouveau coup.

Cling!

Arrêt soudain. Aqua recule d’un pas, le regard figé sur le sol, où, sur la surface luisante de ce monde-miroir, un pendentif en forme d’étoile venait de s’échouer.

Secondes qui passent.

Réminiscences d’un monde depuis longtemps révolu.

Voilà ce qu’elle avait ressenti à l’entrée de Sora dans ce monde. Ce n’était pas son cœur. Non, ce goût amer qui s’était pris de sa gorge, c’était …

« Ventus? »

Ven. C’est sa présence qu’elle a ressenti au plus profond du cœur de Sora. C’est sa lumière qu’elle a goûté, pas la sienne.

« Il… Il est … »

Elle se laisse tomber sur ses genoux, reprenant doucement son Wayfinder entre ses doigts. Elle relève les yeux vers Sora, les ténèbres suintant toujours de son corps.

Sora tendit sa keyblade et se mit en garde pour parer le prochain coup de la Maître déchue. Ce coup ne vint jamais. Il rouvrit les yeux, posant son regard bleuté sur une étoile métallique qui venait de tomber à terre. Était-ce… Une étoile paopu ? Il sortit un porte-bonheur de sa poche. Kairi. Faisant disparaître son arme, il s’approcha d’un pas d’Aqua, porte-bonheur en main. Elle prononce son nom. Ventus. Elle tombe lourdement à terre, sur ses genoux, et se saisit de l’artefact tombé. Sora eût un frisson. Il soupira, et s’approcha de la jeune femme. Celle-ci le fixait dans les yeux.

« Il… Il est... »

Il continue de s’approcher. Elle ne le lâche pas du regard, elle begaie. Était-elle en train d’entendre raison ? Il se met à portée d’Aqua. Lui tend la main. Sans un mot, au début. Il affiche un léger sourire.

« Sortons d’ici. » fit-il doucement.

Elle ne remarque pas les larmes qui ruissèlent contre ses joues alors qu’elle enserre entre ses doigts rougeâtres cette étoile qui brille d’une lumière mystique. Son regard plongé dans celui de Sora, c’est pourtant Ventus qu’elle voit et sa lumière qu’elle ressent. Elle n’arrive pas à comprendre comment, ni pourquoi, mais elle le sent, là, au plus profond de lui.

Il est là.

Elle n’est plus seule.

Elle remarque cependant le tremblement de sa lèvre inférieure lorsqu’elle inspire, et que ces émotions déferlent contre son cœur d’encre; une vague soudaine de lumière qui brule ce qui l’envenime depuis si longtemps ; une touche d’espoir dans son désarroi.  

Sora lui tend la main. Sortons d’ici, lui dit-il, un sourire rempli de compassion sur ses lèvres. Sa gorge se serre et elle ferme les yeux, prenant conscience du liquide qui s’en échappe en grandes gouttes.

« D’accord. »

Elle prend la main qui lui est tendue, une bouée dans cette mer ténébreuse.