Elle rôde dans ce monde depuis quelques lunes déjà. Elle ne sait pas où aller – ni à qui parler. Elle sait simplement qu’elle est arrivée ici d’une drôle de façon, et que la personne qui l’a amenée a tout vu, a même orchestré une partie de ce cataclysme dont elle a été consciente. Ces images hantent toujours son corps, la laisse amèrement perdue. Perturbée.

Et elle rôde dans ce monde qui peine à retrouver sa lumière, sans savoir où elle doit se rendre, comment revenir chez elle, comment se sortir de ce cauchemar qui ne cesse de la tourmenter depuis déjà des années.

Et alors qu’elle marche, c’est une aura apaisant qu’elle capte, telle une brise chaude dans une nuit de givre. Elle laisse ses pas la guider.

Bientôt, elle se retrouve devant un champ de fleurs jaunes et blanches, enfouies dans un bâtiment étrange et brisé. L’endroit en lui-même émane d’une chaleur envoutante. Alors elle avance entre les plantes, doucement, en tentant de comprendre ce sentiment qui l’habite.

Une voix vient ensuite à ses oreilles et elle relève la tête. C’est une jeune femme lui sommant de faire attention aux fleurs.

« Aucune inquiétude. »

Elle offre un court sourire à la jeune femme en rose, posant ensuite son regard sur les nombreuses fleurs couvrant le sol de ce bâtiment décrépit. Voilà ce qui l’avait emmenée ici – les Esprits de la nature chuchotaient la paix de l’endroit. Un doux murmure dans le vent – un sanctuaire.

Elle s’avance encore entre les fleurs, de manière méticuleuse – elle ne voulait pas les abimer, bien au contraire. Dans ce monde où les murmures suffocants d’une Grande Noirceur se faisaient toujours présents, cet endroit n’en avait aucune trace, et Tekonwenaharake se doutait bien que la raison était cette jeune femme.

Elle s’accroupit entre les pousses, passant doucement sa main sur les pétales d’un des spécimens, fermant les yeux. Elle sent ses racines au plus profond de la terre, tente de se nourrir de son énergie pure, mais le doute et l’inquiétude vagabonde toujours dans sa tête. Tout va si vite.

« Beau travail. »

Oui, beau travail. Elle s’adresse à la jeune femme, en relevant son regard vers elle. Elle sait ce que ces mots veulent dire – mais elle se sent étrange lorsqu’elle les dit. Tous parlent ce langage qu’elle ne connaît qu’à peine, qu’elle a appris par nécessité, par ses années passées en captivité. Ces mots, elle les a entendus souvent de la bouche de ses capteurs, mais pour d’autres raisons.

Le sentiment reste le même. Elle est sincère.

« Beau travail, Fleur-Aux-Pétales-Apaisantes. »

Le sourire de la femme en rose est rassurant, pur – elle ne se cache derrière aucun masque, laisse son esprit paraitre au-delà de l’immatériel. Elle est pure, elle est heureuse. Et ainsi, Fleur-Aux-Pétales-Apaisantes s’approche de l’Amérindienne, tout doucement, comme on le ferait lorsqu’on approche un enfant qu’on ne veut pas effrayer, comme on le ferait lorsqu’on tente d’apprivoiser un animal. Elle s’était souvent vue dans cette situation – dans celle de la jeune femme. D’avoir le rôle inverse est étrange, mais elle la laisse faire.

De toute façon, son intention n’est pas de fuir.

Elle a déjà assez couru.

« Aerith… »

Le nom sonne étrange, lorsque prononcé de ses lèvres. Si de la dénommée, celui-ci lui avait semblé mélodieux, dans sa langue, les intonations hésitent et s’entrecoupent. Elle fronce les sourcils, son regard verdâtre dans le sien, pensive. La métisse pose le bout de ses doigts doucement sur son propre sternum – car les gestes portent plus de signification que les paroles.

« Je suis Tekonwenaharake. Je peux aider. »

Et elle sourit de nouveau, se laissant apporter par l’esprit paisible de son interlocutrice. Un peu de paix dans ce brouillard pourrait éclairer sa tête. Peut-être trouvera-t-elle la raison pour laquelle elle était ici, maintenant; et qu’avait été la signification de toutes ces années passées sous des lumières irréelles.

Elle s’est alors penchée, laissant sa main caresser la terre fraiche du sol; découvrant un bulbe de lys; duquel, délicatement, elle se mit à détacher les écailles.

Comme si elle savait déjà ce qu’Aerith allait lui demander de faire ; ce qui, au fond, n’était pas totalement faux.