Greener Stone
« Into the woods/And who can tell/What's waiting on the journey? »
Oh, les sacrifices qu’elle fait seulement pour se garder en vie.
Aisling se courbe de douleur sous la nouvelle dose de sa potion de Lumière, un sifflement s’échappant de ses dents serrées alors qu’elle fixe le sol, sa main empoignant solidement sa dague.
La douleur, vive, allume ses veines et ses entrailles comme une flamme puissante, et le dernier assaut de la lumière en son sein lui fait fermer les yeux sous sa souffrance.
Elle inspire, puis expire, doucement, lentement, avant de reprendre ses esprits.
Aujourd’hui, elle devait aller dans un autre monde à la recherche d’un lichen précis, retrouvé dans une petite forêt arborant une ville prise dans un constant crépuscule.
Une nouvelle journée de travail, une nouvelle potion paralysante pour une nouvelle cible : un matelot, membre de l’équipage de la Sirène Voluptueuse, avait montré une détermination hors norme, une émotion forte et enivrante dont elle voulait se saisir pour une concoction bien particulière. Et le lichen – c’était le seul ingrédient qu’il lui manquait avant des heures à passer devant un chaudron bouillonnant, devant la nouvelle lune, demain. Elle ne devait pas prendre de retard – déjà que cette soudaine impulsion de Ténèbres l’avait retardée assez.
Elle inspire à nouveau, chassant cette peur qui l’avait envenimée – cette peur de ne plus être. De disparaître.
Il est temps – elle n’a que quelques précieuses heures avant de trouver ce qu’elle cherche.
Alors elle se redresse, reprend sa dague, solidement ancrée dans sa table, et sort de son antre. Dehors, la brume est toujours aussi dense.
Et elle danse, Aisling, d’une forêt à l’autre.
Elle traverse les Ténèbres à nouveau pour finalement sentir le soleil crépusculaire toucher sa peau fanée. Et elle ne perd plus une minute.
Déjà, elle marche entre les arbres, à la recherche du spécimen convoité.
Une énergie – une magie puissante, enivrante – capte alors son attention, entre les ombres des grands arbres de cette forêt dense. Aussitôt, aux prises de l’idée de se trouver en la présence d’un mage puissant, elle se dissimule entre les ombres, puis observe.
Un homme passe près de l’ombre dans laquelle elle se dissimule, sans un souffle. L’énergie est bien palpable, mais…
Non.
Ce qu’elle sent… Ce n’est pas lui. C’est autre chose. Scepticisme laisse place à curiosité, et Aisling frissonne sous le couvert des ombres.
Il détient quelque chose de puissant; même si elle ne sait rien sur ladite chose. Et cette simple spéculation la tient intéressée en cet être tout à fait normal ; qui ne semble pas avoir une quelconque émotion plus forte que les autres, rien qu’elle ne puisse réellement exploiter.
Une raison de l’aborder. D’investiguer.
Comme lui semble le faire, le regard perdu sur la bâtisse au fond de ces bois.
Alors elle arbore un masque ; celui de la femme perdue; de celle qui, inévitablement, en ces bois inquiétants, se retrouve dans le besoin d’une aide immédiate. Elle remet son capuchon sur sa tête, cachant son visage laiteux et ses yeux d’opale ; fermant les yeux un instant. Elle inspire, puis expire, avant de s’extirper de l’ombre d’un grand arbre, contournant celui-ci, une main caressant son écorce, pour se révéler à la vue de l’inconnu.
Épaules un peu recourbées, démarche hésitante, elle approche, cherchant son regard du sien, ombragé par son capuchon.
« Je suis terriblement désolée, Monsieur, mais je semble avoir perdu mon chemin vers la ville… »Elle ne la nomme pas – elle n’est jamais certaine du nom de cette ville au crépuscule constant, capable de donner de l’appréhension à n’importe quelle entité venant de son propre monde.
Qui aimerait réellement vivre dans une cité piégée dans une pénombre constante?
Aisling acte des mimiques, jouant avec ses doigts frêles, esquissant un sourire du coin de ses lèvres, tout aussi hésitant que la démarche qu’elle se donne.