Gaston claqua la porte derrière lui, sans même tenir compte de la nouvelle pièce dans laquelle il venait de débarquer. Le repère du Dark Council était si grand, Gaston se perdait encore un peu.

Si jusqu’à maintenant, Gaston était on-ne-peut-plus-ravi d’avoir accepté l’invitation de Jafar, je veux dire, que d’alliés et d’avantages pour garder le contrôle, voire plus si on le désirait. Son village était maintenant sous la protection du Dark Council (ou sous sa coupe ? La limite était fine et Gaston n’en voyait pas le mal, après tout c’était Lui qui décidait dans son village) et Gaston avait juste à rendre service ici et là pour le Conseil, comme il l’avait promis à son entrée.
Rapidement, il trouva pratique le fait de pouvoir aussi contrôler ces petits êtres sombres qu’il craignait tant. Ah, s’il avait su qu’elles étaient si dociles en vérité, il ne les aurait jamais craintes pour commencer.

Alors pourquoi là, maintenant, il venait de claquer une porte, si tout se passait bien dans le meilleur des mondes ? Cela faisait maintenant quelques semaines que Gaston avait demandé à ce qu’on retrouve Belle, s’il existait bien plusieurs mondes, il n’était pas inconcevable qu’elle soit dans l’un d’eux, c’est ce qu’on lui avait dit à l’époque. Fort bien, qu’on la cherche, qu’on la retrouve, il mettait bien ses muscles à disposition, c’était rien comme service à lui rendre, si ? Non seulement on venait de lui répondre que les sans-cœurs étaient revenus bredouilles, mais en plus, on lui faisait clairement sous-entendre qu’ils n’allaient pas gaspiller des sans-cœurs pour une « fille ». Le gros sac d’insectes s’était même permis d’ajouter que « Sa poulette avait sûrement déjà été bouffée par les ténèbres », ça l’avait rendu fou, mis hors de lui (d’où donc, le claquement de porte, on y revient à chaque fois, comme quoi ce post a vraiment un fil directeur pour commencer). En fait, il était terrifié, le gros sac nauséeux avait bien visé juste. Gaston était terrifié pour la vie d’une fille qui n’avait jamais prêté attention à lui, un coup dans la fierté du chasseur.

Grondant un « Je la retrouverai, je la retrouverai, même si je dois cramer tous les mondes » qu’il ne pensait peut-être qu’à moitié (mais en vrai, pourquoi pas s'il l'obtenait en retour ?). Il se retourna et ne remarqua que maintenant la présence d'un vieil homme, à l’autre bout d’une table, qui le regardait (le jugeait ?), silencieux.
Passé les quelques secondes gênantes et muettes, Gaston pensa d’abord à partir la tête haute en rongeant son frein s’il…S’il n’avait pas repensé à l’entretien qu’il avait surpris quelques temps de cela entre cette « nouvelle recrue » et les autres. Il avait reconnu un accent qui lui était familier.

« Hey…Vous ! »

Il s’avança d’un pas plus décidé vers lui.

« Vous… Claude Frollo, c’est ça ? C'est français, ça, non ? »

Gaston étira un sourire, qui contrastait clairement avec sa figure contrariée de tout à l’heure.

« C’est cela, oui. Juge Claude Frollo. A qui ai-je l’honneur ? »
« Gaston Legume. Mais appelez-moi juste Gaston. »

Il tendit la main vers l’homme gris, après tout entre français respectables, on sait se saluer. Même si au fond Gaston se fichait bien si Frollo rendrait la poignée de main ou non, il avait l’air de ces bourgeois qui ne se prennent pas pour de la merde… Peut-être que…

« Vous… Vous venez de la Capitale, non ? Belle ville. »

En fait, Gaston n’y avait jamais mis les pieds, mais bien-sûr qu’il avait entendu parler de « Paris », surtout de la part des femmes de son village. « Paris » c’était la ville de tous les possibles, « Paris » c’était le chic, « Paris » c’était là où allaient les gens un peu plus intelligents pour faire leurs études, mais surtout pour les plus riches. Bon, pour Gaston, « Paris » c’était surtout l’endroit où il y avait pas mal de filles de joie là-bas… On ne juge pas les intérêts de certains.

Mais surtout, « Paris » c’était là d’où venait Belle.
Peut-être qu’il tenait une piste en allant parler à cet homme.

« Ca fait plaisir de trouver quelqu’un de la même culture, permettez que je m’assois ? »

En fait, Gaston s’était déjà assis à côté de l’homme. La masse de muscles faisant trembler la table au passage. Mais ainsi, il pouvait un peu mieux analyser cet homme, très vieux, mais sans doute très intelligent. Il y avait une lueur aussi dans son regard… Lueur de lucidité, sans doute ? Un homme censé, en somme, qui comprendra totalement les déboires du Gaston.

« Je viens d’un petit village, Conques, c'est dans l’Aveyron, vous devez sans-doute connaître ! »

Oui, bien-sûr Gaston, tout le monde connaît Conques. Tout le monde reconnaît surtout l’accent chantant que tu portes quand tu commences à parler de ton village de bouseux.

« Vous venez… du sud… Occitan ? »

Gaston se contenta juste de secouer sa main en l’air, derrière lui.

« Oui, c’est sans doute comme ça que vous, Parisiens, l’appelez. »

Il ne connaissait pas les termes géographiques précis, et s’en foutait, mais ça lui rappelait vaguement quelque chose, il pouvait confirmer ce que disait le Juge sans trop prendre de risque.
En tout cas, Claude Frollo semblait curieux, l’encourageant à continuer son discours sur son village. Ca arrangeait bien Gaston qui posait ses bras massifs devant lui.

« Je suis chasseur là-bas. Nous ne sommes pas très nombreux, mais on connaît tout le monde, et tout le monde se dit tout, vous voyez le genre d’ambiance ? »

Oui, il devait sans doute voir, pas besoin d’être campagnard pour savoir que les habitants de petit village sont très bavards.

« Nous avons eu quelques ennuis avec les démons, vous savez, les "Sans-cœurs". De malencontreux ennuis : beaucoup d’hommes, femmes, d’enfants disparus, que Dieu ait leur âme, je les connaissais tous bien. C’est ce qui m’a amené à conclure un pacte avec le sorcier arabe. »

Il chuchotait la fin de sa phrase, visiblement pas fier de lui, mais après tout, ils étaient tous les deux dans le même bateau.

« Se débarrasser des démons en s’associant à d’autres démons, si vous voyez ce que je veux dire. »

Il lui donna un petit coup de coude, discret.

« Je suis sincèrement désolé pour votre village, j’espère que la vie là-bas est un peu moins dure après votre sacrifice. »

L’homme avait l’air… Sincèrement affecté. Cela surprit même Gaston, pour dire. Bon d’accord, il n’était pas au point de verser une larme de miséricorde mais… C’était définitivement un homme pieux. Gaston hésitait presque à lui demander les raisons de sa venue ici, mais se disait aussi que contrairement à lui, il n’avait pas l’air d’être un bavard. Brusquer ça peut avoir du bon mais pour un possible allié… Il allait devoir ranger ses grands sabots pour l’instant, si l’homme ne lui dit rien, il finira par lui dire, toute façon ils étaient coincés pour un moment, ils se recroiseront.
Secouant la main d’un air nonchalant, le chasseur enchaîna, loin d'être affecté lui.

« Bah, c’est de l’histoire ancienne. »

Autant venir à la raison de son soudain intérêt pour le vieil homme.

« Pour en venir au fait… »

Car si cet homme est intelligent, il devait se douter que derrière cette sympathique discussion entre patriotes se cachait autre chose…

« Ma fe-… Future femme a par contre disparue de mon village. Nous allions nous marier. »

Il manquait juste le « Oui », putain de merde.

« Croyez-moi, je l’ai cherché partout, j’ai même espéré que l’aide de ces démons allait permettre que je la retrouve mais… Rien ! Et ici, on refuse de m’aider. »

« Perte de temps » qu’on lui avait lâché avec dédain.
Se penchant un peu vers Frollo, en tapotant ses doigts sur la table à la manière de quelqu’un qui "marche".

« Mais je sais qu’elle était parisienne avant, alors… J’ai l’espoir qu’elle soit retournée retrouver refuge chez vous. »

Enfin, entendons-nous bien, pas chez chez Frollo (personne ne veut savoir pourquoi une jeune fille irait voir un vieux juge) (nb : à part pour PORTER PLAINTE), mais à Paris quoi, vous saisissez ?
Gaston serra les dents, cette fois c’était lui qui avait du mal à retenir ses émotions.

« Comprenez, nous devions nous marier et je… Je refuse d’admettre le pire, je refuse ! »

Elle doit être vivante, quelque part.

« Elle s'appelle Belle. »