Inspire, expire.

La lumière entre ses poumons et se projette dans le reste de son corps cybernétique. Quelle avancée.

Idiot de croire qu’elle en ressent le besoin même si le système le fait de lui-même. Qu’elle ne respire pas l’air, mais qu’elle l’analyse; et que ces mouvements ne sont là que pour répondre à un instinct.

Elle se propulse à la même vitesse depuis déjà une bonne heure, au-devant des autres vaisseaux, à des milliers de kilomètres plus loin.  Il n’y a rien d’intéressant entre les étoiles, même si les rêves se font plus présents et qu’elle croit apercevoir entre les galaxies des formes et des visages, puis…

Un…

Train?

« Hm. »

Bolga décélère ; elle ne voudrait pas que les senseurs de … de ce train … avertissent son conducteur de sa venue de manière précoce. Elle ouvre le communicateur.

« Objet volant non identifié dans le quatrième quadrant. N’apparaît pas hostile pour le moment. Je vais aller sonder. »

« Bien reçu, Bolga. »

Elle ferme les communications et continue sa route vers le train volant de l’espace.

Dire qu’elle pensait déjà avoir tout vu.

Elle doit accélérer un peu pour gagner la vitesse de croisière de la locomotive, puis encore pour se rendre à une des portes. Elle entre par derrière, sondant l’endroit.

Qu’un être vivant. Organique. Humain?

Mieux vaut prévenir que guérir. Son poing se change en canon de lumière et elle avance, jusqu’à faire un face à face avec…

Avec…

Un gars avec les cheveux les plus étranges qu’elle n’a jamais vu de sa vie.

Sa stupeur la laisse de glace, la bouche entrouverte, le canon à peine chargé pointé sur l’individu.

Elle n’a jamais été très bonne pour les introductions.

Après quelques... Aventures mouvementées dans les mondes, Sullivane avait décidé de rouler plus lentement et tranquillement. Il n'avait aucune idée de sa prochaine destination, et il n'en avait rien à faire. Aujourd'hui, il avait décidé de prendre un peu de repos. Faisant tourner la CGT à une vitesse de croisière relativement basse par rapport aux véhicules spatiaux, le train arpentait l'espace en dégageant une aura de calme.

Constatant l'absence de véhicules hostiles, ou de véhicules tout court, SNCF arrêta la CGT et quitta son poste de conducteur, afin de se faire une petite pause déjeuner. Fredonnant un air paysan, il commença à préparer quelques saucisses et à mettre la table. L'odeur de viande emplit rapidement le wagon, bien que Sullivane ait ouvert la plupart des fenêtres de celui-ci, afin d'aérer, sans pour autant attirer tous les sans-coeurs du coin. Il avait payé ces saucisses, et il les mangerait!


En plus elles étaient encore fraîches et le gaspillage alimentaire, c'était mal.

Hésitant entre faire revenir des pommes de terre dans le jus de celles-ci ou de tout simplement les manger en hot-dog, il entendit la porte s'ouvrir alors qu'il mettait sa viande dans une assiette à part. Un Sans-coeur?! Ah, ah non. Juste une humanoïde qui avait un bras canon chargé et pointé sur lui.

"Heuuuuuh. Bonjour? Vous voulez des saucisses?"

Heureusement qu'il portait son uniforme! Et s'il avait eu la flemme de s'habiller aujourd'hui?

« Eeeeeeeeh. »

Ça y est, elle est prise au dépourvu.

Le mec la regarde du même air perdu qu’elle l’a regardé quelques secondes avant, et là, saucisses en main, il lui demande si elle en veut.

Ce qu’elle aurait fait pour du café, ça l’aurait peut-être calmé.

Ces cheveux, quoi. Elle n’a jamais vu ça de sa vie. Bolga secoue la tête, et, doucement, reforme le canon qu’elle avait chargé en main. Elle soupire un bon coup rapide, les lèvres pincées, les sourcils froncés.

« Désolée. »

C’est tout ce qu’elle trouve à dire. Il n’a absolument pas l’air menaçant. Elle racle sa gorge, comme gênée, regardant autour d’elle. Dans sa grosse armure, elle a du mal à passer entre les portes du petit compartiment.

« Tu peux me dire ce que tu fous dans un train au beau milieu de l’Espace? »

J’ai bien dit qu’elle était mauvaise avec les introductions. Elle ne va pas se présenter, non?

Bon, le canon était redevenu une main. Donc c'était un robot qui pouvait voler seul dans l'espace. Logiquement. De toute manière, tout faisait un minimum de sens dans les mondes, et il avait toujours du mal avec les technologies hyper-développées.

"A-Arrêtez enfin! On ne pourra plus bouger si vous entrez madame!"

Posant la poêle sur la gazinière, qu'il prit soin d'éteindre, il poussa gentiment la femme hors du compartiment, mais laissa la porte ouverte. La question sur son train. La classique. Enfin, maintenant, c'était un classique.

"Je... Je vis ici et je voyage comme ça entre les mondes. J'ai pas enfreint de loi j'espère?"

Il ne voulait pas du tout être séparé de la CGT. Que ferait SNCF sans elle? Il y tenait comme à la prunelle de ses yeux, elle était tout ce qui lui restait de Speedwagon, et de son temps dans la RATP, la Railroad Association of Trains and Passengers! C'était sa vie en quelque sorte, son enfant spirituel! Il n'avait jamais transporté de drogues, ni de criminels à priori! Ou est-ce que l'on venait inspecter si le train était aux normes? Mais elle avait vu l'un de ses wagons personnalisés! Elle n'allait quand même pas lui retirer sa licence!

« Oh. Uh. Désolée. »

C’est tout ce qu’elle peut répondre à son commentaire. Elle était trop grande, trop bâtie pour la pauvre petite cabine. Elle allait répondre autre chose, mais il est plus vite qu’elle : le voilà qu’il se lève, la poussant hors de la cabine de train. Elle recule avec beaucoup de mal; mais le laisse faire.

L’armure de Bolga disparaît aussitôt, laissant derrière elle des scintillements de lumière. Bien qu’elle soit toujours grande et plutôt musclée, elle est maintenant beaucoup plus petite qu’elle ne l’était avant et, par réflexe, glisse sa main sur sa nuque et replace quelques mèches de ses cheveux derrière son épaule.

Sous son armure, elle est en uniforme ; celui d’un officier de la fédération galactique; rouge aux reliures dorées. Maintenant, ils peuvent tous les deux être confortables dans la cabine et elle ne prend pas toute la place.

« Non, non, aucune loi, c’est juste… ‘fin. Un train. »

Elle gesticule pour montrer la cabine et le reste. Il devait savoir de quoi elle parlait; il avait l’air de le savoir.

« Écoute, ne m’appelle pas madame, je suis pas si vieille que ça. »

Sans dire son nom, encore une fois.

Incorrigible.

Sullivane arrêta de stresser autant une fois qu'il vit la femme faire disparaître son armure, révélant un uniforme. Elle devait donc bel et bien faire partie d'un organisme. Que celui-ci soit privé ou public, du moment qu'ils ne lui faisaient rien de mal, il s'en fichait un peu. Et apparemment elle ne toucherait pas à la CGT. Bien. SNCF était rassuré.

- Pardon Mad- Enfin je veux dire Mademoiselle!

Tiens d'ailleurs il ne voyait aucune étiquette ou badge qui pouvait indiquer le nom de son interlocutrice, ce qui était tout de même la moindre des choses pour une autorité ou organisation digne de ce nom! Ou en tous cas, tels étaient les standards sur Speedwagon, où même un simple employé arborait un badge avec son nom ou prénom. Seuls ceux en charge, dont les visages étaient connus de tous, pouvaient se passer d'étiquetage. Si quelqu'un avait un uniforme, son nom devait forcément pouvoir être indiqué! Même si l'on pouvait retirer le badge la plupart du temps, ce qu'il faisait de plus en plus souvent, le laissant dans sa poche.

- Ah, pardonnez mon impolitesse! Mon nom est Sullivane N.C Fortes, mais on me surnomme SNCF. Et vous?

Jetant un oeil discret à sa poêle et aux saucisses, son estomac grogna. Il avait vraiment faim en fait... Mais il était prêt à être un hôte digne de ce nom, et inviter la jeune femme à manger avec lui, au moins par politesse.

- Voudriez vous partager mon repas peut être?

La CGT était un train certes de petit standing, mais elle était sa fierté!

Alors là, elle ne peut dire qu’elle ne devient pas de plus en plus confuse. Le mec ne semble pas trop insulté qu’elle soit sur son train, juste aussi confus qu’elle.

Quelle conversation de personnes socialement inaptes. Il l’appelle mademoiselle, semble absolument hésitant, avant de lui demander son propre nom. Il lui dit le sien. Sullivan. Elle ne peut pas dire qu’elle n’a déjà entendu ce nom, mais après, elle a été durant des années recluse du monde entier, dans la grandeur de l’Espace.

« Oh. Je m’appelle Bolga. Et… Ouais, pourquoi pas. Ce sont des saucisses à quoi? »

Autant demander. Elle ne voudrait pas manger de la viande d’un extraterrestre qu’elle connait, surtout pas si c’est un collègue de travail.

Ce serait un peu dur à expliquer.

Elle s’avance donc, s’assoyant quelque part dans la cabine où elle ne prend pas trop de place, regardant autour.

« Comment tu as fait pour rentre ton train volant, en fait? »

On pose les vraies questions.

La jeune dame s'était donc mise à sa table. Et en plus elle semblait curieuse à propos de sa chère Christine! Il sourit lorsqu'elle décida de pousser un peu ses questions. Qu'importe ses questions, il lui répondrait honnêtement! Après tout, il était un simple voyageur, qui ne faisait rien d'illégal. Du moins à sa connaissance.

"Ce sont de bonnes chipolatas aux herbes, achetées au marché de Twilight Town il y a 2 jours. Les habitants du coin m'avaient recommandé ce boucher, et il faut avouer que le rôti de boeuf était pas mal du tout. Vous voudrez l'adresse si vous y passez?

Il posa une assiette avec quelques saucisses et des légumes face à son invitée, avant de lui même se servir et de s'asseoir à table lui aussi.

"Si la CGT vole, c'est grâce à un savant mélange de magie et d'un peu de technologie. Mon four est maintenant magique et peut brûler à peu près n'importe quoi pour le transformer en combustible. Toutefois, si ma locomotive peut avancer dans l'espace, c'est grâce à un enchantement qui créé des rails sous les roues. Comme ça, elle roule partout, même dans le vie spatial. Et ne vous inquiétez pas, je contrôle parfaitement le train! C'est comme un vaisseau spatial en somme. Mais c'est un train. Un train de l'espace. Vous voudrez voir? Je peux répondre à n'importe laquelle de vos questions concernant ma chère CGT!"

Il s’était vite mis au travail, transférant dans l’assiette de la cyborg des saucisses et des légumes, lui confiant même l’endroit où il avait fait son achat. Twilight Town… Il faisait un moment depuis sa dernière visite, même si elle avait eu vent du bistrot qui venait tout juste d’ouvrir. Leur café était merveilleux. Elle hoche donc la tête avec un sourire.

« Hmm! Absolument. »

L’assiette se pose devant elle et elle la regarde avec appétit. Elle n’a pas nécessairement besoins de manger – son énergie, elle l’a d’ailleurs, le plus souvent – mais elle peut tout de même consommer sans problème : l’énergie est tout de même transférée. Et d’après les explications du jeune homme, sa locomotive est très similaire à elle sur ce point.

« Fascinant… De tous les engins que j’ai vus capables de voler depuis les dernières années, un train, c’est vraiment une première! Un train magique et technologique, en plus… Oh! »

Elle ouvre un canal de communications avec la police intergalactique, ne voulant pas mettre son hôte dans un quelconque danger. Elle venait, après tout, d’annoncer sa présence à ceux-ci.

« L’O.V.N.I. est un train magique. Un seul passager civil. Aucun danger. »

Elle reçoit la confirmation de son commandant quelques secondes ensuite, lui disant qu’elle peut continuer sa route sans problème.

« Ouais, désolée. J’avais averti mes collègues de quelque chose de louche et c’est un peu la raison pour laquelle j’suis rentrée. Sans permission. »

Elle cache son embarras en jouant avec sa fourchette et en mordant dans une saucisse.