« Beurk, c’est quoi ça ?! »

Dans cette eau noirâtre, difficile de discerner quoique ce soit, encore moins ses bottines blanches.

Poings serrés, épaules tendues, la Toon marcha d’un pas furieux en ligne droite : elle se sentait trompée, trahie. A aucun moment cet abruti de Pat ne lui avait précisé qu’elle se retrouverait à parcourir les égouts pour Maléfique. Peut-être que Debby n’avait pas été assez claire, peut-être qu’ils ne l’avaient pas assez bien regardé…

« C’est dégoutant, dégoutant !!! »

Elle grimaça d’horreur en sentant quelque chose de chaud frôlé ses genoux et elle se mit presque à sautiller pour se dépêcher de grimper sur un semblant de trottoir qui longeait le « fleuve ordurier ».

Dans un frisson, elle prit le temps de s’essuyer d’un mouchoir en tissu, qu’elle abandonna lâchement derrière elle avant de reprendre sa route.

Ses pas résonnent sur le semblant de pavé que contiennent les égouts. L'humidité ambiante, transportant une odeur nauséabonde, l'empêche de sentir quoi que ce soit d'autre. Mais malgré son odorat lui faisant défaut, et même si cela fait plusieurs heures qu'elle déambule dans ce labyrinthe méphitique, elle doit continuer.

Sont-ce les sans-cœurs qui l'ont attirée ici ? Ou son instinct, lui signifiant qu'ils ne faisaient que suivre une piste ?

Et quel genre de piste lui feront-ils remonter…

Passé les longues minutes de marche, qui semblaient durer une éternité pour Debby et son nez délicat, elle finit par s’arrêter devant une intersection. Les égouts se séparaient en deux, impossible de savoir quelle direction prendre, et Debby avait horreur de revenir sur ses pas. Elle regarda un instant autour d’elle, d’abord pour discerner un quelconque indice, se pencha vers la deuxième entrée en fronçant les sourcils, puis soupira lourdement.

« Bon, c’est quoi ça encore ? »

Elle tapota furieusement le bout de sa bottine par terre, les bras croisés, finissant par siffler les sans-cœurs. Ces derniers apparurent dans un éclat d’ombre, se tournèrent un instant vers Debby puis partirent vers le deuxième chemin. Difficile de savoir ce qui les motivaient à prendre cette direction, mais Debby les suivit sagement, d’un pas chaloupé.

« J’espère que ça vaut le coup d’œil. »

Il semblerait que cette fois, elle les ait définitivement perdus. Et la présence ou non de son flair n'y aurait rien changé : les ombres n'ont pas d'odeur.

La louve tourne et retourne sur elle-même, comme si le faire pouvait lui permettre de percevoir un détail qu'elle aurait oublié, ou de voir une chose sortant de l'ordinaire, puis s'arrête finalement.

Renoncer et retourner sur ses pas ? Pas question.

Elle n'est d'ailleurs même pas sûre d'y parvenir. Par où est-elle entrée déjà ? Tout se ressemble ici.

Elle reprend à peine sa marche qu'un son la stoppe net. Ça fait tac. tac. tac. sur le pavé. Des talons ? Elle maudit son absence d’odorat pour l'avoir empêchée de remarquer cette présence plus tôt.

Mais que ferait quelqu'un d'autre dans un lieu si inhospitalier ?

Les pas semblent suffisamment éloignés pour qu'elle les suive sans être remarquée, ou pour partir à leur opposé.

Que faire ?

Sa mystérieuse quête dans les égouts se rallonge, accompagné par le bruit régulier des talons contre les pavés.

Les ombres, elles, se dissipent pour réapparaître quelques mètres plus loin. Qu’est-ce que Debby ne ferait pas pour avoir ce don de téléportation.

Finalement une impasse, une petite assemblée de sans-cœurs était apparue, devant eux se tenait un livre (visiblement très vieux). Debby les écarte d’un mouvement de jambe, se penchant pour le ramasser.

« Un bouquin ? Tout ça pour un foutu bouquin ?! »

Elle rage, mais Debby restait curieuse. Elle faisait relativement confiance au flair de ses sans-cœurs, elle finit par l’ouvrir, tourner les pages, lire son contenu en diagonal.

Le grimoire parlait principalement de magie occulte, enfin aux yeux de Debby, tout cela la laissait pensive : surtout le sort qui rendre aveugle ses ennemis.

Elle n’était pas magicienne, mais elle en connaissait une qui…

La louve se méfie. Elle ne connait pas la nature de l’inconnu dont elle entend les pas. Si il lui est hostile, la situation tournera rapidement à son désavantage, et le moindre affrontement dans les égouts pourrait causer des dégâts aux rues au dessus. Elle ne peut pas ignorer ce fait.

Peut-être réfléchit-elle trop. Après tout, quelle est la probabilité pour que l’autre personne présente en ce lieu soit un adversaire potentiel ?

Elle reste immobile encore quelques secondes, avant d’avancer dans la direction du son.

Cette décision lui donne un très mauvais pressentiment. Mais elle n’a pas d’autres pistes, les sans-cœurs n'ont toujours pas réapparu, et elle ne peut pas écarter la possibilité que leur objectif n’ait été cette personne.

Snow suit les pas un moment. Mais la distance entre elle et eux est suffisamment grande pour qu'ils s'arrêtent avant qu'elle ne les atteigne. A présent, ce sont ses pas qui pourraient être entendus par l'inconnu. Elle hésite une nouvelle fois, ne bénéficiant plus d'une quelconque discrétion.

Il est bien tard pour y penser.

Quelques autres allées, un passage étroit, et elle atteint finalement la personne à qui appartenaient les pas. Et les sans-cœurs.

Mais quelque chose ne va pas… Cette femme, dans ses mains, c'est…

Sans réfléchir, elle invoque son grimoire de foudre.

Debby sent l’agitation des sans-cœurs autour d’elle, serrant le grimoire fraichement découvert contre sa poitrine, elle tourne la tête. Passé la surprise qui traverse brièvement son visage, elle dévisage l’inconnue du regard avant de remarquer la présence d’un livre qui a l’air presque en tout point similaire à celui qu’elle tient.

Ça, c’est une drôle de coïncidence, mais il y en a plein dans ce monde.

« Tiens, tiens, tiens… »

Posant une main sur sa taille, elle sous-pèse le grimoire de son autre main.

« C’est ça que tu cherches ? »

Un sourire mauvais sur ses lèvres, restant immobile.
Chose trouvée, chose gardée.

Son regard passe de la femme au grimoire, du grimoire à la femme. Pas de doute, il fait parti de la bibliothèque.

Pas le temps de répondre aux provocations, il faut aller droit au but.

- Donnez-le moi ou…

Ou quoi ? Lancer un sort pourrait causer l'effondrement du lieu, et l'humidité ambiante qu'elles soient toute deux électrocutées.

Elle doit changer de livre. Et vite. Mais retirer celui-ci pourrait mettre fin à ses menaces. Elle charge donc un sort de foudre. Faut-il à présent trouver un moyen de s'en débarrasser sans causer de dégâts.

《 Ou quoi ? 》

Debby ne put s'empêcher de retenir un éclat de rire. La situation était absurde. On la menaçait pour un bouquin dans les égouts ?

Bordel de merde.

《 Viens le chercher. 》

Elle siffla entre ses doigts, faisant apparaître les sans-coeurs entre elle et l'inconnue. Reculant de quelques pas, elle rangea le grimoire (dans l'une de ses poches de Toon, vous savez). Puis se mit à taper du talon sur les pavés, pointant de son index sa "rivale" à l'adresse de ses ombres alliées.

《 Allez mes chéris ! 》

Cette femme n’est évidemment pas coopérative. La louve reçoit même le défi de reprendre son livre. Elle se prépare à faire rapidement disparaître son sort de foudre, changer pour son grimoire de vent et l’entraver, ainsi aucun dégât ne sera à déplorer. Sauf que les choses ne se passent pas comme prévu.

… Bien sûr qu’elles ne pouvaient pas se passer comme prévu.

Son adversaire invoque des sans-cœurs. Surprise, la louve jette son sort, le déviant de justesse vers l’eau, qui s’électrifie instantanément. Ceux qu’elle a suivi lui appartenaient-elle également ?

… Elle en a perdu son avance.

La femme est surprise. Debby est on-ne-peut-plus-fière de sa mise en scène. Son sourire narquois s’étire un peu plus.

Les ombres faisaient du sur-place, deux sans-cœurs « féminins» étaient également apparus devant elles (féminin dans le sens que leurs attributs physiques laissaient place à peu de doute en termes d’expression de genre). Debby aimait bien ceux-là, elle leur reconnaissait une certaine grâce dans leur déplacement.

Sans attendre, une ombre s’élança vers l’inconnue, pour finalement tomber à côté d’elle (est-ce que ce sans-cœur était débile ? Ou juste aveugle ?). Debby facepalma violemment devant ce spectacle…

« Bon sang… »

Quelque chose lui disait que les sans-cœurs allaient plus la gêner qu’autre chose.

« Il faut décidemment tout faire soit même ! »

Et à ces mots, elle fit un lent geste vers une des sans-cœurs féminins, dans un « Oooh » se voulant langoureux, une aura l’entoura puis disparue.

Les sans-cœurs l’empêchent d’atteindre son adversaire. Snow recule de quelques pas, se méfiant particulièrement des deux plus grand, qu’elle n’a jamais vu. Des ombres à l’apparence de jeunes-femmes nobles ? Leurs parapluies doivent leur servir d’armes...

Une première ombre se lance sur elle. La louve se prépare à se défendre mais... A sa surprise le sans-cœur s’écrase lamentablement au sol.

Un problème en moins...?

La femme face à elle semble excédée, disant qu’il faut tout faire soi-même. Snow s’attend à une attaque de sa part, un coup, n’importe quoi, jusqu’au moment où... Elle pousse un “oooh”? Comme si elle allait... Elle préfère ne pas penser à la vision qu’il lui donne. Il a en tout cas un effet sur l’un des sans-cœurs féminins.

Elle ne peut pas perdre plus de temps. Si elle ne peut pas utiliser la foudre directement, ni entraver son adversaire à cause des ombres, l’orage fera l’affaire. Dans sa main se génère l’énergie de la foudre, avant qu’elle ne la relâche, générant un son assourdissant, en sonnant la plupart des ombres... Excepté celle tombée précédemment?

Debby sursaute légèrement à la vue du choc électrique sur ses serviteurs ténébreux, elle serre les dents, une pointe agacée que son adversaire se défende au lieu d’attendre les dégâts sans rien faire (mais à quoi pensait donc la blonde ?).

Mais ce n’était pas grave, elle était encore suffisamment confiante en ses sans-cœurs, et si quelques-uns la décevaient (à ainsi rater leur trajectoire d’attaque aussi bêtement). Au moins le Heartless Lady, qu’elle avait boosté, n’a pas raté son tir lui.

Debby se délectait de ce spectacle et elle se mit à rire, accordant un regard perçant à l’inconnue.

« Pauvre petite chose… Il n’est pas encore trop tard pour fuir. »

Entre ses doigts, ses mots se faisaient perçants. Voyons voir comment allait réagir cette femme.

Les heartless ne mettent pas longtemps avant de répliquer. Une “lady” pointe son ombrelle vers la louve, avant qu’un laser n’en sorte. Surprise, elle n’a pas le temps de réagir et se le prend de plein fouet. C’est alors qu’elle voit la seconde préparer la même attaque, et esquive in-extremis.

Malheureusement, l’une des ombres en profite pour l’attaquer dans le dos, et elle n’a pas le temps de se retourner que Snow subit déjà une deuxième attaque.

Tsk. A ce rythme, elle ne tiendra plus très longtemps. Elle se rend plus attentive, ses gestes se font plus prudents. Elle esquive l'attaque d'une autre ombre, et celle tombée plus tôt tombe à nouveau. La louve arque un sourcil d’incompréhension. Est-ce une malchance passagère ou...?

-Pauvre petite chose… Il n’est pas encore trop tard pour fuir.

La voix de la femme se fait perçante, ses mots aiguisés. Mais Snow résiste à la provocation, gardant la tête froide. Si elle perd son calme maintenant, tout tombera à l‘eau.

Cette fois, elle concentre dans sa main plus d’énergie que précédemment. Peut-être cela lui permettra-t-il d’atteindre son adversaire? Elle relâche l’onde de choc dans un son plus incroyable que le précédent. Les ombres en semblent très affaiblies, tandis que le sort parvient jusqu’à la femme.

Comment…
COMMENT OSE-T-ELLE ?!

L’onde de choc est arrivée jusqu’à Debby, lui faisant hurler un juron (qui est sûrement audible pour quiconque tendra l’oreille vers une bouche d’égout).

« MERDE !!!!!!!!!!!!!!! »

Alors là Debby était furieuse.

« MAIS QU’EST-CE QUE VOUS ATTENDEZ TOUS ?! ATTAQUEZ-LA, RAVAGEZ-LA !!! »

Les sans-cœurs s’approchèrent de la jeune femme (mais sûrement plus par peur que par réelle bellicosité), leurs attaques étaient toutes sauf organisées. Une des femmes sans-cœurs lança un laser, sans trop regarder vers où. Tandis que les autres se jetaient sur la jeune fille. Dans tout ce chaos, il y en avait bien quelques-unes qui touchaient.

Debby, elle, essayait de retrouver la tête froide. Elle se voyait mal partie, ses sans-cœurs faisaient vraiment pitié. Elle fit un mouvement de main mystérieux vers son adversaire et ses pas de danse ralentirent.

« Je crois qu’il est temps de faire dodo, petite. »

Touchée. La femme perd son sang-froid, commence à gesticuler dans tous les sens avant d’hurler aux sans-cœurs de détruire la louve. Ceux-ci semblent effrayés par leur maîtresse et attaquent dans tous les sens, sans vraiment faire attention à ce qu’ils visent. Le laser de l’une des ladies parvient néanmoins jusqu’à la louve, et les griffes de deux autres ombres l’atteignent, la faisant prendre ses distances.

La femme commence alors une espèce d’incantation que Snow ne connaît pas. Mais elle en déduit rapidement, en voyant créatures progressivement s’écrouler qu’il ne faut pas la regarder. Elle ferme donc les yeux et se concentre davantage sur ses sorts, générant ainsi plus de puissance dans ses mains avant de les frapper entre elles.

Les ombres, encore endormies, disparaissent toutes instantanément. Au son, le sort a également atteint son adversaire. La louve ouvre les yeux.

- Rendez-moi. Mon. Livre.

Elle n’a vraiment que ça en tête.

Non seulement ses sbires avaient attaqué n'importe comment, genre vraiment, aucune coordination ni rien. Mais en plus, le sort qu'avait tenté de lancer Debby a eu comme seul effet de les achever. Et l'autre femme était toujours debout. Son onde de choc eut même raison de Debby qui était maintenant en bien mauvaise posture.

Debby en venait presque à se demander, comment en est-elle arrivée là ? Mais, l'inconnue elle, n'avait pas oublié, réclamant son dû.

« …Tiens, le voilà, ton foutu bouquin. »

Elle eut un sourire mauvais, se disant qu’elle pourrait le lui balancer en pleine tronche.
Alors d’un geste brusque, et un peu maladroit, elle jeta le grimoire de plusieurs tonnes… Sur son pied.

« AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH »

La blonde sursauta, se tenant sur un seul escarpin maintenant. Continuant d’hurler, elle recula en tenant son malheureux pied jusqu’à disparaître dans un couloir des ténèbres qu’elle venait expressément de créer pour sa fuite.

Répondant avec un sourire mauvais, la femme semble prête à attaquer la louve avec son livre. Si jamais il s’avère qu’elle connait la magie, Snow sera en très mauvaise posture. Elle prépare donc une attaque afin de la contrer et ainsi échapper à-

…

Que vient-il de se passer?

La magicienne arque un sourcil d’incompréhension. Et pour ce qui est de l’incompréhension... Elle est totale! Voilà la blonde qui sautille sur un pied, avant de passer par un... Portail de ténèbres?

- Attende-!

Trop tard. Elle a disparu. Au moins le grimoire est intact, même après être tombé sur son pied. Plus qu’à trouver les autres.

Espérons qu’ils seront plus simple à récupérer...