La visière redressée vers le château de Corona, tu hésites à faire le prochain  pas. « Allez prendre l'air » t'avait-on demandé, puis ordonné sans outre mesure. C'est qu'a force de faire les cent pas au chevet de la princesse d'Arendelle, pas étonnant que cette dernière n'ait su supporter un instant de plus la ferraille claquante de tes bottes. Alors tu es parti, non sans l'âme en grimace. Pas très loin... évidemment. Tu ne pars jamais très loin. Surtout pas avec la méfiance qui bout dans ton armure. Tu es donc descendu avec nonchalance, encore prêt à faire demi-tour en toute hâte et gravir en quelques bonds les marches menant au château. Finalement, tu finis par trouver le chemin de la plage. Le soleil est haut dans le ciel, éclatant il fait scintiller les plaques de ton armure jusqu'à en éblouir les passants. Ça rigole, tu t'excuses en mouvements de gênes qui doucement renaissent en toi. Au bout de tes gants, des fourmillements qui te paraissent si réels que tu as l'irrépressible envie d'enlever ton gantelet pour t'assurer que ton corps n'est pas revenu de lui-même. Petit à petit des émotions s'animent et s'enroulent autour de ton âme en peine.

Ça fait du bien.
C'est agréable.

Puis ça picote. Cette sensation, cette étreinte autour de ta poitrine, qui se glisse sur ta gorge, qui fait frémir ton armure, tu la connais plus que de raison ; des Sanscœur ! Alarmé, tu fais apparaître Earthshaker et t'élances vers la berge. Une lueur, une vive lumière t'oblige à redoubler d'efforts. Si écarlate, si pure...

On dirait...

▬ Princesse ?!  

De la princesse elle en a l'aura. De la princesse elle en a la lumière, la chaleur et l'âme ! Sans que tu ne saches réellement comment ni pourquoi tu peux le sentir, au fond de ton cœur retenu dans l'armure que tu portes. Ça palpite comme un devoir inassouvi qui brûle au plus profond de toi. Tu dois la protéger, il le faut. Sa différence avec la princesse Anna est perceptible, presque palpable et pourtant... pourtant... à tes yeux elles semblent alors être deux lueurs indissociables l'une de l'autre.

Ravalant tes mots quelques peut mal choisis, laissant même échapper de brèves excuses en soupires ferailleux, tu bondis entre elle et la vague noire.

▬ Restez bien derrière moi. Je m'occupe d'eux.

Tu ignores de qui il s'agit, tu ignores même si elle est de ce monde, mais une chose est sûre, tu ne laisserais pas les Sans-Coeurs s'en prendre à elle. Avec une férocité que l'on te connaît pourtant que trop bien, tu rugis à cœur déployé dans la mêlée, découpant les ombres du tranchant de ta Keyblade. Sans magie, tout dans la dextérité et la puissance, tu terrasses tes ennemis. Ces quelques coups entraînent de vieux souvenirs à refaire surface. Certains plaisants, tout de bleu et de vert, en pas chassés et valses acrobatiques, d'autres amers, en confusion et tromperies trempés de ténèbres.

Au dernier coup, alors que les sans-cœur les plus malins s'en retournent dans les ombres des sous-bois, tu t'orientes vers la demoiselle, relâchant la pression de tes épaules et d'une voix que tu veux la plus douce possible, lui demande :

▬ Est-ce que ça va ?

Tu gardes Keyblade en main, prêt à pivoter d'un côté ou de l'autre pour abattre le moindre nuisible susceptible de profiter de ce petit instant de relâchement pour attaquer. Si tu pouvais sourire, là encore tu le ferais avec joie. Parceque tu as su voir, dans cette minuscule bataille, l'acharnement de la jeune femme et son esprit combatif.

▬ Merci d'avoir couverts mes arrières milady.
 

Les Sanscoeurs reculent, fuient le combat. Cela dit, les plus téméraires d'entre eux s'accordent dans une dernière charge groupée. Préparé, entraîné, tu n'as aucun mal à les repousser, à les réduire en poussière.  D'un soupire qui se veut – non pas fatigué – mais presque dépité, tu te redresses, écrasant Earthshaker sur tes épaulettes.

▬ Ils ne reviendront pas de si tôt.

Crépitements de métal, rouages grinçants, tu te retournes vers la demoiselle. Elle n'a rien et elle te le fait bien comprendre en large rictus lumineux. Soulagé, tu lui accordes un sourire d'âme qu'elle ne peut sûrement pas percevoir mais peu importe, la savoir saine et sauve te suffit. Après tout, la reconnaissance n'a jamais eu sa place dans tes préoccupations.  Elle te parle ensuite de la ville. Elle avoue être perdue. Peut-être qu'elle n'est réellement pas de ce monde... Voilà que des princesses égarées commencent à devenir monnaie courante.... hm. Peut-être que tu devrais penser à la présenter à Anna.

▬ Vous n'êtes jamais allée en ville ?

Question bien indiscrète que tu masques en mouvements embarrassés. Mains affolées, tu essayes de te rattraper mais elle te coupe avec son nom. Tu saisis l’occasion pour paraître moins empêtré.


▬ E-enchanté Raiponce. Moi c'est Terra. Cliquetis et chants d'oiseaux croisés, un petit silence retombe avant que tu te décides enfin à prendre les devants. L'aura de Raiponce continue de te chatouiller l'âme et alors que tu la guides au milieu des bois, tu n'oses la quitter totalement des yeux, peur qu'elle ne se volatilise. Tu en profites pour l'observer davantage, ne manquant pas d'admirer sa longue chevelure. Le blond, elle l'avait aussi scintillant que Ventus. La longueur par contre, battait aisément tous les records. Te sentant particulièrement à l'aise à ses côtés, tu te fais curieux. Si ta voix normalement si ferrailleuse se veut toujours rêche, ici, on peut sentir une forme d'humanité mélodieuse et tendre. Elle te surprend à sonner ainsi, tu t'y reconnaîtrais presque.

▬ Vos cheveux sont magnifiques, je n'en ai jamais vu d'aussi long. Ça doit être galère de s'en occuper. Note emprunter du passé. Aussi loin que tu te souviennes, Aqua avait toujours eu les cheveux coupés court. Combien de fois lui avais-tu fait la remarque dans le seul but de la taquiner...